Actuellement, environ 60% des personnes qui immigrent en Suisse sont diplômées de l’enseignement supérieur. En comparaison, cette proportion est environ 20% moins élevée en France et en Allemagne. Bien que nos politicien-ne-s présentent souvent l’immigration hautement qualifiée comme non problématique, transférer ses compétences d’un pays à l’autre n’est pas facile. Ainsi, de nombreuses personnes bien formées ont de la peine à faire valoir leurs compétences sur le marché du travail suisse, notamment en raison de désavantages structurels et de préjugés à leur encontre. Cet article se penche plus en détail sur la question de l’évaluation des compétences dans le contexte de la migration.
Situation sur le marché du travail suisse
Si la situation des personnes hautement qualifiées sur le marché du travail suisse est particulièrement bonne en comparaison internationale, une étude plus poussée révèle des différences importantes entre catégories de personnes. Par exemple, l’OCDE montre que 76% des travailleuses et travailleurs hautement qualifiés originaires de pays à revenus élevés n’ont pas de peine à trouver un emploi correspondant à leur niveau de qualification, tandis que cette proportion n’est que de 53% pour les personnes originaires de pays à revenus moins élevés. Ces personnes sont désavantagées même lorsqu’elles ont obtenu leur diplôme en Suisse, ce qui suggère que les obstacles qu’elles rencontrent ne sont pas directement liés au type de qualification qu’elles possèdent. Par ailleurs, les personnes venues en Suisse pour des raisons humanitaires ont particulièrement de peine à trouver du travail. La probabilité d’accéder au marché de l’emploi est seize fois plus faible pour les migrant-e-s humanitaires hautement qualifiés que pour les Suisses. Parmi celles et ceux qui travaillent, seul un-e migrant-e humanitaire sur deux occupe une position correspondant à son niveau de qualification.
Ces données montrent que la situation généralement bonne du marché du travail suisse cache en fait de fortes différences entre individus. Une part importante de ces différences n’est pas liée au type de qualification, ce qui suggère l’existence de formes plus subtiles d’inégalité de traitement.
Evaluation subjective des compétences
Si des facteurs tels que le diplôme, la langue, les contacts, la familiarité avec le contexte local ou la situation légale jouent un rôle important pour trouver un emploi, d’autres facteurs liés à l’évaluation subjective des compétences sont tout aussi importants. Plusieurs études montrent par exemple qu’un homme sera plus facilement considéré comme compétent qu’une femme pour un comportement équivalent. L’origine ethnique peut également faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Selon une étude comparative sur la discrimination à l’embauche, une personne avec un nom arabe a par exemple environ deux fois et demie moins de chance d’être sélectionnée pour un entretien d’embauche qu’une personne avec un profil similaire mais dont le nom correspond au groupe dominant du pays concerné. Les recherches sur l’intersectionnalité montrent par ailleurs que les désavantages liés au genre et à l’origine ont tendance à se cumuler. Si on croise ces deux variables pour analyser la situation du marché du travail suisse, on observe notamment que les femmes étrangères sont plus souvent au chômage et touchent de moins bon salaires que les femmes suisses et que l’ensemble des hommes.
Ces différents éléments invitent à se montrer prudent avec la notion de compétences. Leur évaluation est rarement objective et dépend de nombreux facteurs qui n’ont souvent rien à voir avec les qualifications formelles. Des inégalité de traitement conscientes et inconscientes touchent plus particulièrement certaines catégories de personnes et affectent leur accès au marché du travail. Pour cette raison, il est important de prendre conscience de ces obstacles et de donner les moyens aux groupes sociaux les moins favorisés de compenser leurs désavantages.
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