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Writer's pictureLaure Sandoz

« Crise des réfugiés » ou crise des inégalités ?

Le thème de la migration est de plus en plus médiatisé. Les informations et opinions publiées à ce sujet se situent cependant souvent dans une perspective à court-terme qui favorise le sensationnalisme et transmet un sentiment d’urgence. De même, les métaphores utilisées pour décrire l’arrivée de personnes cherchant protection en Europe au cours des derniers mois tendent à faire oublier les raisons à la fois humaines, historiques et politiques pour lesquelles elles quittent leur pays.


La soi-disant « crise des réfugiés » n’est cependant pas un phénomène naturel. Comme tout événement, elle est le résultat d'un enchaînement de conditions préalables liées à des dynamiques sociales et à des choix politiques particuliers. Dans ce sens, la « crise » est construite, tant par la manière dont elle est gérée que par les discours qui servent à la décrire. Je propose donc de prendre un moment pour nous distancier de ces discours et pour réfléchir à quelques-uns des éléments structurels qui contribuent à produire la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.


Nous vivons dans un monde toujours davantage mondialisé. Cette mondialisation, qui passe par le développement des moyens de transport et de communication, favorise la circulation des idées, des biens et des personnes. Cette circulation ne bénéficie cependant pas à tous de la même manière, et certaines formes d’inégalité ont même tendance à se creuser. En 2015, une étude a par exemple révélé que les 1% les plus riches possédaient désormais plus de richesse que les 99% de la population mondiale. De plus, si la mobilité a été facilitée pour une partie des habitants de notre planète, elle demeure largement structurée par le système des Etats-nation. A l’intérieur de ce système, le passeport est devenu le nouveau titre de noblesse de l’époque contemporaine, puisqu’il permet à certains de voyager de par le monde tandis que d’autres n’ont même pas la possibilité de quitter leur pays. En Europe, le développement d’une libre circulation interne s’est accompagné d’un renforcement important du contrôle des frontières externes, rendant l’accès légal au territoire quasiment impossible pour une majorité des ressortissants de pays tiers (c’est-à-dire les personnes ne possédant pas la nationalité d’un Etat de l’UE ou de l’AELE). Une minorité de travailleurs bien formés se voient quant à eux offrir une entrée privilégiée lorsque leurs compétences sont jugées nécessaires ou utiles. Dans ce sens, les frontières, loin de disparaître, sont davantage devenues des filtres sciemment crées que des barrières impénétrables sous l’effet de la mondialisation.


Ainsi, alors que d’un côté, les objets, idées et images produits dans certaines parties du monde circulent davantage, créant au passage des rêves et des aspirations nouvelles, de l’autre côté, l’augmentation des inégalités précarise certaines populations et constitue l’un des facteurs favorisant l’émergence de conflits. De plus, les nouvelles technologies ne facilitent pas uniquement la mobilité, elles renforcent également la capacité des états à contrôler leur territoire, ce qui a pour conséquence de créer des systèmes à plusieurs vitesse au sein desquels certains sont réduits à l’immobilité tandis que d’autres sont dotés d’une liberté de mouvement exceptionnelle. C’est dans ce contexte que des hommes, des femmes et des enfants – dont la mobilité est fortement restreinte – sont aujourd’hui contraints à prendre des risques énormes pour rejoindre l’Europe et demander la protection à laquelle ils ont souvent légalement droit en raison des conflits et violations des droits de l’homme dans leur pays d’origine.

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